Le goût des bibliothèques
Il y en a de toutes sortes: privées, publiques, réservées au travail, au loisir. Les bibliothèques sont multiples. Espaces de conservation et d’étude, elles occupent une place importante dans la cité et dans nos imaginaires: de la BNF parisienne se dressant au bord de la Seine à la bibliothèque du Nautilus où le capitaine Nemo trouve un refuge à sa misanthropie, de la Humboldt berlinoise à Bibliothèque vaticane, haut lieu à la fois de recherche et de fantasmes romanesques. Elles peuvent être aussi un lieu de questionnement, comme Virginia Woolf s’étonnant au British Museum de la propension de livres écrits par des hommes sur les femmes. Elles se font parfois plus intimes: bibliothèques d’amateurs, d’écrivains. Elles peuvent tenir encore en une simple liste, laquelle occupe elle-même parfois plusieurs volumes, des lectures faites au cours d’une vie, à l’image des cahiers de lecture de Montesquieu. Ou se confondent avec le projet, et il en est de multiples, d’une bibliothèque idéale. Le classement lui-même n’est pas une question anecdotique. Quand elles ne deviennent pas carrément la matière même du livre qui en parle, comme le décadent A rebours de Huysmans.
Le petit livre de la collection Le goût de… dans sa récente livraison de mars ne pouvait pas échapper longtemps au désir d’en feuilleter les pages, puisque, sous sa réjouissante couverture reproduisant un tableau de Spitzweg, Le Rat de bibliothèque, vu il y a quelques années au musée de Schweinfurt, étape tout aussi confidentielle qu’indispensable à tout amateur du style à la fois anecdotique et humoristique du peintre allemand, il promettait deux plaisirs: celui de la collection elle-même, des petits recueils dans lesquels j’aime à picorer au hasard des moments où je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à la lecture, et qui sont comme autant de fenêtres ouvertes sur d’autres lectures possibles, et celui d’une lecture consacrée aux livres et à la lecture, tentation vertigineuse qui est, je pense, partagée par beaucoup de lecteurs assidus.
Bien sûr, comme à chaque fois – c’est le principe d’une anthologie, j’en sors avec plus de livres en tête que je n’en avais en commençant à le feuilleter, et j’ai déjà noté dans ma liste de livres à lire (qui tourne de plus en plus ces temps-ci au carnet volumineux dont les feuillets débordent de tout côté) quelques titres bien tentants: Le roman de la bibliothèque de Daniel Ménager, Le grand incendie de Londres de Jacques Roubaud. Mais j’y ai surtout retrouvé des titres lus il y a parfois déjà longtemps: Vingt-mille lieues sous les mers, A rebours, Bourlinguer, les Illusions perdues… autant d’invitations à relire peut-être un jour ces livres que j’avais tant aimés. Bref, on n’en sort pas! Mais c’est cela aussi le vertige si grisant des livres sur les livres.
10 réflexions sur « Le goût des bibliothèques »
J’appelle ça des livres « book inside » : on en ressort souvent affamés !
Et c’est pour ça finalement qu’on les lit, même si ça n’arrange notre liste de livres à lire. 😉
C’est un livre piège !
Ce qui m’interpelle, c’est le plaisir que je prends à tomber dans ce genre de pièges…
Bien tentant et dangereux, bien sûr.
Je ne connaissais pas cette collection, d’ailleurs.
Une collection dangereuse en effet pour les amoureux de livres. Et il y en a sur plein de sujets. Mon préféré: « Le goût des villes imaginaires ».
oh la laaa, la grosse tentation ! Amoureuse des bibliothèques, la couverture me parle déjà. Je vais essayer de le dégoter.
J’espère que, comme moi, tu aimeras bien cette série, toujours un peu frustrante cependant (elle ne présente que des extraits), mais qui donne par la suite tellement envie de lire et fait parfois découvrir de nouveaux titres.
Je sens un piège caché sous une belle couverture !
Oh oui, le piège est là! Comme d’ailleurs pour tous les autres titres de la collection.