Tommaso MELILLI: L’écume des pâtes

Tommaso MELILLI: L’écume des pâtes

Tommaso Melilli est italien, originaire de la région de Crémone. A 18 ans, quittant le charme discret de sa province, il choisit, plutôt que Milan, de porter ses pas jusqu’à Paris pour y étudier la littérature et la philosophie. Trois ans plus tard, il est chef d’un restaurant de l’est parisien. L’écume des pâtes est pour ainsi dire le récit d’un retour au pays natal: au gré de stages, de voyages, Tommaso Melilli s’invite chez les chefs italiens les plus prometteurs de Paris ou de la péninsule, en quête des gestes, des ingrédients, des tours et détours, des inventions qui font « la vraie cuisine italienne »…

Entrer dans la cuisine est sans doute le rêve partagé de bien des gastronomes… et des gourmands. Surtout lorsqu’il s’agit de cette cuisine italienne – concept tellement éloigné de la gastronomie à la française: d’un côté en effet des plats s’inscrivant dans une tradition, dominés par la recherche du bon produit, une façon toujours renouvelée de magnifier des saveurs attendues et bien connues, une cuisine qui prolonge au restaurant celle de la maison, de l’autre des signatures, une cuisine d’inventions et de surprises qui rompt avec les habitudes quotidiennes. On va au restaurant en Italie pour y retrouver ce que l’on mange déjà chez soi. C’est une réalité qui m’a toujours surpris. On peut en Italie se régaler au restaurant d’un simple plat de charcuteries et de fromages, mais choisis avec soin, accompagnés d’un bon pain, parfois un peu de miel, accompagnés d’un petit vin local. Et on retrouvera d’un restaurant à l’autre les mêmes spécialités locales ou régionales. Au cuisinier, à l’aubergiste de savoir magnifier cette expérience, par une certaine qualité de l’accueil, le choix de bons produits, des propositions, la maîtrise de gestes, de cuissons magnifiant une expérience culinaire qui n’est jamais totalement inédite. C’est une démarche qui demande beaucoup de rigueur et d’humilité. Et suivre Tommaso Mellili dans les cuisine où il nous sert de guide, c’est entrer dans cette conception particulière de la gastronomie. Des anecdotes, un carnet d’amitiés, des admirations respectueuses – tout cela se retrouve sous la plume de Tommaso Melilli dans ce livre bien réjouissant. Et une merveilleuse recette de pâtes à la carbonara qui devrait faire monter le rouge aux joues de honte à tous les étudiants que nous avons étés et qui osèrent nommer un jour ainsi le mélange hétéroclite et sans âme qu’ils servaient sous ce nom:

« Je fais chauffer de l’eau.

Je casse trois oeufs, je mets deux blancs de côté et j’en garde un entier. Je verse le tout dans un grand bol, j’ajoute une pincée de sel et je commence à le battre avec une fourchette ou un fouet. Je prends un morceau de pecorino romano, je le râpe dans le bol avec les oeufs et je continue de battre le mélange au fouet. J’ajoute beaucoup de poivre noir et je continue de battre.

Puis je prends du guanciale, j’enlève la couenne, je coupe quelques tranches pas trop fines puis chaque tranche en lamelles. Je prends une grande poêle à frire, j’y verse le guanciale, je le pose sur le feu et la laisse jusqu’à ce que le guanciale devienne translucide et croquant.

Entre-temps, l’eau est sans doute en train de bouillir. J’ajoute alors une poignée de gros sel, peut-être un peu moins que d’habitude, car les ingrédients de la sauce sont déjà très salés. Quand l’eau recommence à bouillir, je jette les spaghettis – ou les mezze maniche que, pour ma part, j’ai tendance à préférer, car lorsqu’on mélange très rapidement tout ce qui se trouve dans le récipient avec un peu d’eau de cuisson, un petit morceau de guanciale se glisse inévitablement dans la mezza manica sans qu’on le voie, ce qui crée ce phénomène aussi agréable qu’extraordinaire appelé « grosse surprise ».

Si tout se passe bien et que le cuisinier a suffisamment de sensibilité, d’expérience et de bonne humeur, le miracle chimique se produit: les pâtes très chaudes associées à quelques gouttes d’eau de cuisson cuisent et font légèrement coaguler les molécules de lécithine contenues dans le jaune d’oeuf, donnant ainsi vie à ce merveilleux zabaglione salé aux pralines de porc frit qu’est la carbonara. »

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