Patrice SALSA: La Signora Wilson
Le narrateur, un jeune français aisé qui vient travailler à Rome auprès de l’Ambassade de France, s’est installé dans un vaste appartement mal meublé, mais couvert de fresques, dans un palazzo romain, qui devient bientôt le point de départ de ses promenades à la découverte de Rome et le lieu où il écoute en boucle des morceaux de musique dont avec un curieux goût de la précision il ne manque jamais de nous donner le titre. Très vite, de mystérieux appels téléphoniques viennent le déranger. De nombreux interlocuteurs demandent dans toutes les langues une certaine Madame Wilson. Au cours d’une de ses promenades dans Rome, en traversant la rue, il ne voit pas une voiture qui vient et le renverse. Se relevant sans trop de mal, il poursuit sa promenade. Mais quelque chose a changé. Rome est de plus en plus conforme à ses rêveries. Et il lui semble que quelque chose de mystérieux se trame autour de lui, une histoire dont il est le personnage principal…
C’est un étonnant roman, comme je les aime, qui allie un art très sûr du récit et une propension, voluptueuse, sensuelle, à s’attarder sur la description des êtres et des choses. Le premier chapitre a commencé par m’agacer, à cause de ce ton que j’exècre dans la littérature française: un homme de bonne famille traîne sa solitude et son détachement nihiliste dans un milieu de fonctionnaires expatriés qui remplissent leur mission avec une remarquable indolence. Le blues de la grande bourgeoisie qui profite du système et se divertit en épinglant la paresse des sous-fifres, pire: qui transporte à l’étranger, parce qu’elle en a les moyens, son malaise français, ce n’est pas trop mon genre de littérature. Mais dans la suite, même cette attitude du narrateur prend un tour très subtil, qui profite à l’enchaînement du récit.
C’est un récit onirique, à la manière de certains romanciers sud-américains (Bioy Casares) ou espagnols (Somoza). Patrice Salsa sait jouer avec un grand talent du sentiment de mystère qu’il entretient. Et même lorsque certaines clefs sont données, l’idée subtile de résoudre l’énigme en deux temps, grâce à deux flash-back dans l’enfance, permet au mystère d’être relancé. Le plus intéressant vient sans doute qu’ici, au lieu de la révélation finale des romans à énigme qui porte sur l’identité et les raisons de la machination, l’important est davantage d’éclairer le récit du narrateur lui-même: certaines formules récurrentes, pourquoi ce désir de toujours nommer les morceaux de musique qu’il écoute, quitte à alourdir le récit, pourquoi les passer en boucle, et pourquoi dans les lieux qu’il fréquente la musique qu’on y entend, même à la radio, passe elle aussi en boucle, son goût mêlé de sensualité pour les tissus, pour le corps de l’autre, pour le monde des apparences en général, et cette fascination pour la mort qu’il énonce à plusieurs moments, pourquoi enfin l’odeur de lys est-elle si étourdissante qu’on ne saurait dire si elle est l’odeur de l’amour ou si elle fait penser à la mort.
2 réflexions sur « Patrice SALSA: La Signora Wilson »
Je viens de terminer la lecture de ce livre, et c’est vrai que je l’ai trouvé très bon. On passe quelques heures très agréables.
Je trouve aussi votre site très bien , et je tenais à vous féliciter..
Aujourd’hui, quand je ne sais plus quoi lire, c’est des sites comme le vôtre que je consulte; de plus, vos goûts littéraires sont proches des miens.
Bonne continuation.
Merci pour tous ces compliments.