Jules VERNE: Les Aventures du Capitaine Hatteras
Liverpool, 6 avril 1860. Sous les ordres secrets du capitaine Hatteras, remplacé par son second à bord, le Forward, un brick de cent soixante-dix tonneaux, quitte l’Angleterre. Visiblement conçu pour les mers polaires, le navire ne manque pas d’intriguer la curiosité de tous. Les marins ignorent la destination du bateau. Et même le médecin Clawbonny, contacté et embauché par lettre, ignore tout des buts de l’expédition. Très vite, en mer, l’équipage commence à se mutiner en raison des conditions extrêmes et du mystère entourant leur destination. Après une révolte, seuls Hatteras et quelques compagnons fidèles – le docteur Clawbonny, le lieutenant Altamont et Johnson, le maître d’équipage – poursuivent l’expédition…
Je me souviens avoir eu un jour l’ambition de lire (ou relire) l’intégralité des 68 Voyages extraordinaires (en fait 62 romans et 18 nouvelles). Après en avoir picoré quelques-uns, que je n’ai d’ailleurs que rarement chroniqués, je me suis arrêté. Mais j’ai toujours gardé en arrière-plan ce projet (parmi les nombreux projets et programmes de lectures que tout lecteur un peu trop gourmand connait!) qui, cette année que, pour des raisons professionnelles, je vais consacrer en partie à Jules Verne, devrait pouvoir avancer quelque peu.
Publiées en 1866, Les Aventures du capitaine Hatteras constituent le deuxième volume des Voyages extraordinaires. Jules Verne y raconte l’histoire du capitaine John Hatteras, un marin anglais obsédé par l’idée d’atteindre le pôle Nord, convaincu que cette région abrite une mer libre de glace. Réduit après que le navire se soit mutiné, à poursuivre son exploration, dans la plus grande précarité, avec les quelques compagnons qui l’accompagnent, il explore avec eux des terres gelées, lutte contre le froid et la faim, découvre enfin une île volcanique au pôle Nord, prouvant que la zone n’est pas entièrement gelée. Hatteras, fou d’obsession, atteint finalement son but, mais sombre dans la folie après avoir marché sur le point le plus septentrional. Il est ramené en Angleterre par ses compagnons, mais reste perdu dans son délire, ne vivant plus que pour son rêve d’exploration.
Roman d’aventure dans le plus pur style de Jules Verne où le plaisir de lire est toujours précédé par celui de rêver sur des cartes de géographie, Les Aventures du capitaine Hatteras constituent sans doute un volume mineur des Voyages extraordinaires, mais néanmoins fascinant. Plongeant dans la psyché humaine, le voyage de découverte scientifique et d’exploration tourne rapidement à l’obsession, cependant que s’y manifeste aussi la bonne humeur du docteur Clawbonny, incarnation peut-être caricaturale du désir de connaissances, mais qui n’est pas sans donner un contrepoint humoristique au récit. Les conditions climatiques rigoureuses placent néanmoins le petit groupe d’hommes devant une série d’épreuves à traverser qui confèrent à ce voyage, comme à beaucoup d’autres du cycle de Jules Verne, une dimension initiatique, symbolique, que les conditions de l’édition (et la relecture souvent castratrice de Hetzel) auront souvent brimé, mais qui surgit en toute liberté dans quelques pages suggestives.

« […] le caractère principal des avalanches polaires est une effrayante instantanéité ; elles diffèrent en cela de celles de la Suisse ou de la Norvège ; là, en effet, se forme une boule, peu considérable d’abord, qui, se grossissant des neiges et des rocs de sa route, tombe avec une rapidité croissante, dévaste les forêts, renverse les villages, mais enfin emploie un temps appréciable à se précipiter ; or, il n’en est pas ainsi dans les contrées frappées par le froid arctique ; le déplacement du bloc de glace y est inattendu, foudroyant ; sa chute n’est que l’instant de son départ, et qui le verrait osciller dans sa ligne de protection serait inévitablement écrasé par lui ; le boulet de canon n’est pas plus rapide, ni la foudre plus prompte ; se détacher, tomber, écraser ne fait qu’un pour l’avalanche des terres boréales, et cela avec le roulement formidable du tonnerre, et des répercussions étranges d’échos plus plaintifs que bruyants. Aussi, aux yeux des spectateurs stupéfaits, se produisait-il parfois de véritables changements à vue ; le pays se métamorphosait ; la montagne devenait plaine sous l’attraction d’un brusque dégel ; lorsque l’eau du ciel, infiltrée dans les fissures des grands blocs, se solidifiait au froid d’une seule nuit, elle brisait alors tout obstacle par son irrésistible expansion, plus puissante encore en se faisant glace qu’en devenant vapeur, et le phénomène s’accomplissait avec une épouvantable instantanéité. »
Jules VERNE, Les Aventures du capitaine Hatteras (1866) – « Voyages extraordinaires », 2
2 commentaires
Dominique · 24 avril 2025 à 9 h 54 min
C’est le premier Jules Verne que j’ai lu car il faisait partie de la bibliothèque de mon père, ces vieux livres verts illustrés
je me souviens parfaitement de cette première lecture car depuis mon plus jeune âge j’étais fan du froid arctique et antarctique et j’avais lu les aventures de Scott et Amundsen
Du coup après j’ai sauté sur le Testament d’un excentrique un excellent souvenir aussi
Ensuite et seulement ensuite sont venus les classiques du genre
Cléanthe · 24 avril 2025 à 14 h 18 min
Le Testament d’un excentrique me fait envie depuis de nombreuses années. Il a été réédité en Pléiade, je pense que je vais en profiter pour plonger enfin dans ce jeu de l’oie singulier.