Philip K. DICK: Loterie solaire
Dans un futur régi par le hasard, le destin des hommes se joue comme une gigantesque loterie cosmique. Sur cette Terre du XXIIIe siècle, n’importe qui peut, en un instant, accéder au pouvoir suprême grâce à un système aléatoire fondé sur les lois de la physique quantique. C’est ainsi que Leon Cartwright, simple réparateur électronicien, devient soudainement Meneur du Jeu – maître du système solaire. Mais ce pouvoir a un prix: l’assassinat du dirigeant est non seulement autorisé, mais encouragé. Protégé par un corps de policiers télépathes, Cartwright comprend vite qu’il est traqué de toutes parts. Pourtant, il ignore encore la pire des menaces : l’assassin lancé à ses trousses n’est pas humain. Et rien ne semble pouvoir l’arrêter…
Le mois dernier, j’étais allé allé faire quelques explorations du côté de la SF chinoise contemporaine. Pour ce deuxième mois du défi Objectif SF 2025, organisé par Sandrine, qui est une belle occasion de me replonger dans ce genre que j’ai beaucoup lu il y a longtemps, mais un peu négligé ces dernières années, j’avais envie de renouer avec un bon texte classique, l’un de ceux par exemple avec lesquels j’ai découvert la SF autour de ma quatorzième ou quinzième année. On ne peut guère faire plus classique de Philip K. Dick. Loterie solaire est le premier roman de SF publié par Dick, en 1955. Et l’auteur y est déjà tout entier: des policiers télépathes, de grands consortiums industriels (les Collines) détenant la réalité d’un pouvoir qui politiquement est confié à de simples citoyens tirés au sort, soumis à la menace d’assassins officiels, avec pour but affiché de prévenir à la fois les risques de la tyrannie et ceux de l’incompétence, une société à bout de souffle, profondément inégalitaire, où le divertissement détourne chacun de s’interroger sur les fondements de l’ordre social et la réalité du pouvoir, un système d’allégeance et de servages, et un groupe d’illuminés, que présidait justement Cartwright avant d’accéder au pouvoir suprême, qui affrète un vaisseau en vue de découvrir la mythique dixième planète du système solaire suivant par là les prédictions de leur gourou, Preston, mort 150 ans auparavant.
Bref, c’est de la bonne SF politique, avec ce parfum typiquement dickien qui fait tout le plaisir de ses romans: trucages, falsifications, rapports de pouvoir et religion. Dans Loterie solaire, Philip K. Dick imagine un monde où le chaos est la règle et où l’incertitude façonne le destin. Un thriller politique et psychologique haletant, où le pouvoir suprême peut se gagner en un instant… et se perdre tout aussi vite. Mené tambour battant, le récit est bien éloigné des longueurs, ou d’une certaine complaisance à décrire caractéristique de romans de SF plus récents, où l’on voit déjà à les lire pointer leur adaptation en série. Or cette rapidité est ce que j’apprécie par-dessus tout dans les récits de ce que l’on appelle l’Âge d’or de la Science-fiction: Asimov, Van Vogt, Bradbury, Heinlein, Dick, etc. C’est parfois un peu déroutant, sans que tout n’ait besoin d’être explicité. Mais c’est justement ce qui me plait, à l’image de certains romans d’espionnage, dont la profondeur va de paire avec une relative obscurité.
Aux deux intrigues de la politique (la nomination de Cartwright et les efforts de son prédécesseur, Verrick, pour l’éliminer physiquement et reprendre sa place, quitte à jouer un peu avec les règles du jeu – mais le plus tricheur ne sera pas forcément celui qu’on croit!) et de l’exploration mystico-religieuse (l’expédition lancée par les prestoniens est un premier pas vers l’exploration de l’univers au-delà des limites du système solaire), s’ajoute une troisième intrigue, centrée sur le personnage de Ted Benteley, qui ne se reconnaît plus dans l’organisation sociale de ce monde, mais dont je ne dirai pas plus pour ne pas dévoiler tous les ressorts du récit. Bref, un roman court, efficace, qui se lit en une ou deux courtes soirées. Et qui me permet d’honorer ce deuxième rendez-vous consacré à la SF.
Le mois prochain, départ pour Mars et les chroniques bradburiennes, en lien avec le Challenge martien de Dasola qui se termine le 31 mars.
« J’aimerais pouvoir démolir tout cà d’un seul grand coup. mais c’est inutile. Ça s’écroule tout seul. Tout est creux, vide, métallique. Les jeux, les loteries – des jouets colorés pour enfants! Seul le serment fait que cela tient encore. Situations à vendre, cynisme, luxe et pauvreté, indifférence… et les hurlements de la TV qui couvrent tout. Un homme va en assassiner un autre et tout le monde applaudit et regarde. En quoi croyons-nous? En de brillants criminels travaillant pour de puissants criminels. Et nous vouons notre fidélité à des bustes en plastique. »
Philip K. Dick, Loterie solaire (1955), traduction Frank Straschitz, Editions J’ai Lu
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6 commentaires
Sandrine · 27 février 2025 à 11 h 53 min
Je crois que Dick va aussi faire partie de mes lectures pour le challenge car voilà trop longtemps que je ne l’ai pas lu. Pourquoi pas ce titre d’ailleurs qui comme tu l’écris semble déjà rassembler tous ses thèmes de prédilection.
(3e fois que j’essaie d’envoyer ce com’… heureusement, je copie colle mon texte car ce n’est pas la première fois que ça arrive. Ça indique « erreur captcha » alors que je recopie tout scrupuleusement).
Cléanthe · 27 février 2025 à 18 h 20 min
J’en avais gardé un bon souvenir, confirmé à la relecture. Pour captcha, je pense avoir corrigé le bug. N’hesite pas à me dire si ça disfonctionne encore.
Ingannmic · 27 février 2025 à 14 h 13 min
Je ne connaissais pas ce titre, même de nom. J’ai moi aussi prévu de lire Dick pour l’activité SF de Sandrine. Ce sera Blade Runner.
J’ai beaucoup aimé la « biographie » que lui a consacrée Emmanuel Carrère, « Je suis vivant et vous êtes mort », qui montre l’imbrication entre son œuvre et ses obsessions.
Cléanthe · 27 février 2025 à 18 h 15 min
Blade Runner est trèn bien aussi. Mais j’avoue que je suis un inconditionnel de Dick. À part ses tout derniers romans peut-être (il était parti très loin alors…).
Il faut que je lise le Carrère.
je lis je blogue · 27 février 2025 à 18 h 32 min
Je regarde actuellement une série adaptée d’un autre livre de Philip K. Dick. Il s’agit du maître du haut château. Je la trouve intéressante mais j’ai l’impression que l’intrigue est un peu délayée par rapport au roman. C’est le risque avec ce genre de série.
keisha · 28 février 2025 à 8 h 47 min
(Bon, je viens de retaper mes coordonnées, on va voir ensuite ce qui m’attend.)(ah oui le captcha)(pourtant j’avais cliqué sur enregistrer mes coordonnées)
Après quelques essais et abandons SF, je crois que je vais aussi revenir aux classiques;..