H.P. LOVECRAFT: Horreur à Red Hook

Publié par Cléanthe le

Thomas Malone, un inspecteur irlandais de la police de New York, est ressorti traumatisé d’une expérience surnaturelle faite au cours de l’une de ses enquêtes. Quelques temps auparavant, il lui a été donné d’approcher Robert Suydam, un vieil homme vivant dans le quartier pauvre de Red Hook, à Brooklyn. Suydam, reclus excentrique et savant en superstition médiévale, après avoir inexplicablement rajeuni, se trouve en effet impliqué dans des événements étranges, notamment la disparition d’enfants. Lors d’une descente dans les souterrains de Red Hook, Malone est confronté à une vision d’horreurs infernales…

J’entame, avec cette nouvelle piochée au hasard, la découverte du volume que la Bibliothèque de la Pléiade a récemment consacré aux Récits de Lovecraft. Mais j’ai peur de ne pas avoir fait une bonne pioche, si j’en crois les autres nouvelles que je découvre depuis, et qui ne sont pas aussi caricaturales. Rédigée lors de la période new-yorkaise de l’écrivain, une période marquée par des difficultés économiques et un désenchantement rapide envers la ville, Horreur à Red Hook n’est peut-être pas la meilleure des nouvelles de Lovecraft; elle illustre en tout cas les aspects les plus sombres de son imaginaire horrifique. Le récit est conçu comme une histoire de détectives, qui plonge rapidement dans les bas-fonds de la cité, où l’imaginaire horrifique – et xénophobe! – de l’auteur se développe sans contrainte. Et c’est là ce qui est profondément dérangeant dans ce texte: la xénophobie de l’auteur ne vient pas seulement se rajouter sur la trame d’une récit horrifique, ce qui serait déjà pénible, mais se révèle bien comme la condition de l’horreur, Lovecraft confondant régulièrement le démoniaque et l’étranger en des images caricaturales et racistes où suinte la détestation de tout ce qui n’est pas blanc, protestant, anglo-saxon… Horreur à Red Hook est ainsi représentative des tensions de Lovecraft face à la modernité, à la diversité culturelle de son époque, au cosmopolitisme de la métropole new-yorkaise: angoisse existentielle, peur de l’étranger, racisme se donnent alors libre court dans un récit qui, au-delà du pandemonium diabolique des dernières pages, qui valent quand même la lecture pour leur débordement fantastique, a failli me retenir de continuer à explorer l’oeuvre de l’écrivain. Heureusement, tous ses textes ne sont pas de cet acabit. J’aurai l’occasion d’en reparler.


4 commentaires

Sandrine · 16 février 2025 à 7 h 38 min

Tu emploies l’adjectif qui à mes yeux aujourd’hui le caractérise le mieux : caricatural. Il en fait trop… Sans doute certains textes sont-ils meilleurs que d’autres mais ils ont plutôt tendance à me faire rire… On a envie de crier : « n’en jetez plus ! ». Si tu en chroniques d’autres, je serais curieuse de connaître ta préférée. Mon conjoint est en train de lire leur adaptation en manga par Gou Tanabe.

    Cléanthe · 16 février 2025 à 9 h 46 min

    J’en ai lu quelques autres qui sont bien meilleurs que celui que je chronique aujourd’hui, en tout cas moins ambiguës idéologiquement. Pas très réjouissant en tout cas ce fantastique basé sur un sentiment de débordement par des forces qui dépassent les hommes…

je lis je blogue · 16 février 2025 à 8 h 45 min

J’ai lu L’Affaire Charles Dexter Ward, une novella, et les adaptations en manga de Gou Tanabe que j’ai trouvé très réussies. Heureusement, je n’ai pas trouvé trace de xénophobie dans ces ouvrages. L’univers de Lovecraft reste fascinant.

    Cléanthe · 16 février 2025 à 9 h 47 min

    J’ai écouté une émission sur Gou Tanabe il y a quelques jours. C’est vrai que ses adaptations font envie.

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