Paris, musée du Louvre. Peintures, sculptures, les femmes nues en ont marre. Réflexions, attentions lubriques, attouchements, c’est quotidiennement le même ballet des visiteurs. Un jour, elles décident de tout plaquer et de se soustraire aux regards. Sculptures, peintures disparaissent. Le musée du Louvre doit fermer en urgence. La crise est grave. Nom de code: le Grand Incident. D’autant que les revendications des nus féminins sont extravagantes: interdire l’accès aux collections aux hommes habillés. Le président-directeur du musée, Charles Darlin, va prendre une décision audacieuse et tenter l’expérience. Le musée du Louvre devient le premier musée nudiste du monde! Les visiteurs masculins sont sommés de se mettre à poil!

Je dois d’abord un grand merci à Violette, dont le billet m’a permis de découvrir la BD de Zelba. L’album était passé sous mes radars, et je dois confesser que je ne connaissais pas non plus l’autrice – une grave négligence, vu le plaisir que j’ai pris à lire cet album, tout en impertinence. Il va falloir que je me rattrape et que je me plonge rapidement dans ses autres albums! Le dessin, superbe lorsqu’il s’agit de saisir à la fois les personnages, mais aussi l’environnement du Louvre et les œuvres qui y sont exposées, contribue tout particulièrement au plaisir que donne cette BD. C’est un sujet qui me touche particulièrement, et que je pratique moi même à ma manière à l’occasion de mes visites dans les musées. Bref, cet album ne pouvait que me séduire. D’autant que, maniant avec efficacité la satirique, cette BD est dès l’abord très divertissante. Zelba sait tirer de la situation de départ de nombreuses saillies particulièrement réjouissantes. Et ce jusque dans le dessin des bulles qui entourent les paroles des statues lorsqu’elles se mettent à s’exprimer en vers… Mais je n’en dis pas trop, et laisse chacun à sa lecture.

Sous couvert de divertissement, cependant, Zelba aborde des sujets sérieux: la représentation du nu féminin dans l’histoire de l’art occidental, la profusion des œuvres mettant en scène, sous prétexte de perfection formelle et de représentation des mythes antiques ou de scènes de l’histoire religieuse, des nus aux poses de soumission et d’humiliation, des fantasmes d’agression ou de viol. Quel regard porter aujourd’hui sur ces œuvres, qui sont dans le même temps des chefs-d’oeuvre de l’histoire des arts? Comment aborder les œuvres dans le cadre d’une muséographie qui s’efforce de rééquilibrer les regards? Non de les censurer, mais de contextualiser les conditions de production des œuvres et les valeurs qu’elles charrient, afin d’en jouir autrement?

Le sujet de Suzanne et les vieillards, que traite entre autres Zelba, illustre clairement cette problématique: Suzanne, une jeune femme qui, observée par deux vieillards, alors qu’elle prend son bain, se refuse à leurs propositions malhonnêtes, est accusée par eux d’adultère et condamnée à mort. Mais le prophète Daniel intervient et prouve son innocence. Les vieillards sont finalement condamnés et l’honneur de Suzanne est sauvé. De l’histoire édifiante, la peinture a retenu un seul épisode: celui où la jeune femme est offerte aux regards libidineux des deux vieillards… en même temps qu’à ceux du spectateur. On ne trouve quasiment aucune figuration de la suite de l’histoire. Sans doute les commanditaires étaient-ils plus intéressés, sous prétexte de représentation d’une scène de l’histoire sainte, par cette partie là de l’histoire!