Les sanctuaires du monde (sous la direction de Matthieu GRIMPET)
« Toutes les religions s’incarnent dans des lieux qui leur sont propres, séparés de l’espace commun. Ce sont les sanctuaires. En donnant à découvrir les milles lieux sacrés les plus emblématiques des grandes spiritualités du monde, cet ouvrage propose une véritable histoire de l’âme humaine, de l’homme de Cro-Magnon aux néopentecôtistes californiens.
Il étudie le rapport entre espace et sacralité tel qu’il s’est institué dans les principales religions depuis les premiers âges et exprimé dans les cultes antiques, l’animisme africain, les civilisations précolombiennes, comme le judaïsme, le christianisme, l’islam, le bouddhisme et l’hindouisme. »
Comme le rappelle le quatrième de couverture, dont je cité ici le début, ce livre est le dictionnaire de ces lieux sacrés, de ces espaces particuliers délimités, découpés dans l’espace commun pour servir au culte d’un groupe, d’une communauté. Pour un amoureux des lieux comme je le suis et un grand amateur de dictionnaires encyclopédiques, ce volume de la collection Bouquins est un véritable bonheur, dans lequel je prendrai longtemps plaisir encore, je pense, à déambuler.
Oui, j’aime les lieux. Les lieux rêvés, bien sûr, les lieux figurés, les lieux ressentis, mais aussi les noms de lieux, les cartes, les registres cadastraux, les inventaires d’occupation des sols, les modes d’organisation du territoire. Bref, tout ce qui milite contre l’idée, trop abstraite, trop mathématique, d’un vaste espace géométrique, référentiel indéterminé de nos actions et des objets. Et j’aime les livres qui me rappellent à quel point l’espace réel ou imaginaire est travaillé par ces amas de vie, ces intensités, ces concentrations d’existence: il y a le très beau dictionnaire de Farid Abdelhouahab: Voyages imaginaires, que j’avais chroniqué il y a déjà quelques temps, ou cet autre « Dictionnaire des lieux imaginaires », d’Alberto Manguel, ou le « Dictionnaire des lieux et pays mythiques » de Battistini et Poli. J’aime les Dictionnaires consacrés à un musicien, un artiste, parce que j’y grappille les lieux qu’ils ont pu fréquenter. Je collectionne moi même quelques lieux visités dans mon petit carnet d’aquarelles, qui me sert pour ainsi dire de Dictionnaire intime et sensible de mes pérégrinations.
Parce qu’il ne sont pas n’importe quels lieux, mais des lieux de culte, de ferveur, les sanctuaires ajoutent à mon amour des lieux, cette autre dimension: celle des croyances, des systèmes théologiques, des modes de représentation spirituelle, bref de tout ce qui rapproche les individus d’une expérience personnelle, intime du divin. Les sanctuaires sont les lieux construits pour vivre ensemble cette expérience.
La richesse de ce Dictionnaire est de passer en revue toutes les sortes de religion, de la préhistoire à l’époque contemporaine. De courtes introductions présentent efficacement les grands domaines culturels. Mais au-delà de ce travail de synthèse, c’est un plaisir de picorer dans la masse de ces entrées diverses: Gargaq, Tivoli, Anandpur, Boumia, Wies, Conques, Médine, etc. On ne peut pas ne pas en tirer une méditation toute personnelle sur la permanence historique des grandes constructions religieuses, l’effort récurrent des hommes pour habiter le monde du divin, et la fragilité des lieux de culte: Angkor dévoré par la forêt, Uppsala dont la grandeur n’est plus accessible que dans les livres, Feronia, dont le bois sacré antique est depuis longtemps abandonné par toute presence divine, viennent nous rappeler à quel point les dieux eux mêmes sont mortels. À moins qu’ils ne soient que les victimes malheureuses de l’oubli des hommes.
4 réflexions sur « Les sanctuaires du monde (sous la direction de Matthieu GRIMPET) »
C’est un beau billet. Dans cet espace infini et virtuel, à deux dimensions de la toile, faire un billet sur les lieux aimés, rêvés, imaginés, bornés, ou lieux de rencontre comme les sanctuaires, il fallait le faire 😉 Le dictionnaire des lieux et pays mythiques me tente bien. Je le feuilletterais bien.
Merci Ellettres. Depuis le début de mes aventures bloguesques les deux vont de pair pour moi. C’est pourquoi j’ai baptisé ce lieu virtuel Dans la bibliothèque de Cleanthe. Au début, le bandeau d’en tête était occupé par la photographie d’une bibliothèque dans un monastère baroque, près de Ulm, en Allemagne. Un lieu que j’aime beaucoup aussi. Puis, un petit pont de fer forgé enjambant un canal dans le parc du château de Kassel, toujours en Allemagne, l’a remplacé. Et depuis plusieurs années, ces quelques fleurs, une vue en fait de mon balcon 🙂 J’associe certains lieux à des lectures: le Morvan et ma première lecture du Rouge et le noir, la Haute Provence et Giono, où j’ai eu la chance de le lire plusieurs étés durant, Peter Handke et une chambre lambrissée que j’occupais plusieurs semaines près de Ulm toujours. Finalement, je me demande si il n’y aurait pas matière là à tout un billet…
Mais bien sûr… Il y avait même un tag qui traînait sur la blogo cette année, qui visait à associer des lieux et des lectures… J’avais fait un billet là-dessus : https://ellettres.wordpress.com/2014/11/30/un-livre-un-lieu/
J’ai hâte de lire le tien si tu le fais 🙂
Je prendrai un moment, je pense, au cœur de l’été, pour me pencher sur ce tag bien séduisant.