George SAND: Nanon
Parvenue à la fin de sa vie, la marquise de Franqueville se souvient de sa jeunesse, lorsque jeune paysanne, illettrée, mais travailleuse, elle faisait la connaissance du jeune Franqueville, novice au monastère. Entre les deux jeunes gens, l’entente est immédiate. Franqueville apprend à lire à Nanon. Et en 1789, c’est lui qui décrypte pour elle les lointains échos du vent révolutionnaire. Mais la Révolution progresse. Franqueville qui a quitté le froc et songe à s’engager dans l’armée nationale est rattrapé par 93…
Ceux qui ont lu Nanon considèrent d’ordinaire que c’est le dernier grand livre de George Sand (en fait son dernier roman achevé, en 1872). Et ils ont leurs raisons, en effet, pour louer ce dernier opus sandien: outre une intrigue qui trouve à mêler des genres littéraires différents (essai, discours, roman de formation, roman sentimental, récit d’aventure, roman champêtre, robinsonnade, etc.), on y rencontre un effort intéressant pour donner une autre lecture de la Révolution française: c’est une autre révolution, vue de la campagne, qu’on découvre dans Nanon. C’est pour cette raison d’ailleurs que j’ai ouvert le livre. Ce n’était peut-être pas une bonne idée. Franchement, je ne trouve rien de supérieur dans ce livre. Le métier de George Sand est suffisant, bien sûr, pour qu’on le lise sans déplaisir. Mais, franchement, l’auteur a bien vieilli: le style, qui n’a jamais été son fort, est poussif. Et plus de place pour le romanesque qui, dans les chefs-d’œuvre (Consuelo, L’Homme de neige), tenait lieu de style, et avec quel brio. Sand a toujours fait la leçon. Seulement il y a dans son côté institutrice de la IIIème République quelque chose de déplaisant, en rupture avec les dissertations sans doute bavardes des œuvres de jeunesses ou de la maturité, mais portées par des héros, des héroïnes de grande classe. Au lieu de cela Nanon m’ennuie. La leçon politique n’est pas d’une très grande portée. A la même date, Zola fait mieux, lui qui en la matière pourtant ne pousse jamais la leçon aussi loin qu’il le pourrait puisqu’il persiste à voir la politique en journaliste: par le petit bout de la lorgnette, comme le récit de coups et d’anecdotes plutôt que les grands mouvements historiques et sociaux. Surtout, je pense à Quatrevingt-treize de Victor Hugo, ce chant du signe d’un immense artiste, dont le propos politique est peut-être moins sûr que celui de Georges Sand, puisque Hugo ne voit pas ce que la Révolution française a raté (et que Karl Marx vingt ans avant déjà avait théorisé: Le 18 brumaire de Louis Bonaparte): le peuple français, c’est-à-dire un peuple d’abord rural, le peuple des campagnes. L’idéal sandien, au lendemain du Second Empire, d’une France réconciliée avec elle-même, c’est-à-dire sachant le parti qu’il faut faire à la Province, aux campagnes aurait mérité sûrement la plume alerte d’un Hugo.
4 réflexions sur « George SAND: Nanon »
J’ai prévu de le lire dans le cadre de mon prochain challenge ultra confidentiel en 2013. Tu ne me décourages pas puisque j’adhère au style de George Sand, même dans ses leçons de morale. Et j’ai
haï le 93 de Hugo, d’une féroce haine de lectrice rancunière.
@Urgonthe: j’ai adoré Quatre-vingt treize!… Peut-être Nanon te plaira-t-il finalement . Je serai heureux en tout cas de lire ton avis sur ce roman.
J’avoue être un peu réfractaire à Hugo mais cela tient davantage au personnage qu’à l’écrivain. Ce Sand m’intéressait pour le sujet mais je la connais bien peu… je pourrais tout aussi bien lire
d’autres titres pour commencer. En tout cas je constate que ce n’est vraiment pas ton auteur favori 🙂
@Lou: c’est le contraire. C’est parce que j’apprécie habituellement la lecture des romans de George Sand (notamment le superbe Consuelo, ou les Contes d’une grand-mère que je tarde à chroniquer), que j’ai été déçu par ce
Nanon, comme d’ailleurs aussi tout récemment par Mauprat, qui sont cependant deux des textes qu’on considère habituellement de premier plan dans l’oeuvre de cette auteure.