RINASCIMENTO A FERRARA. Ercole de’ Roberti e Lorenzo Costa

RINASCIMENTO A FERRARA. Ercole de’ Roberti e Lorenzo Costa

Au départ, il y eu l’article de Roberto Longhi, Officina ferrarese, publié en 1934, deux ans après l’exposition consacrée à Ferrare à la peinture de la Renaissance à l’occasion du quatrième centenaire de la mort de l’Arioste. Un chef d’oeuvre d’exercice critique et d’histoire de l’art révélant l’existence d’une Ecole singulière, au carrefour de la Toscane, de la Vénétie et de la Lombardie, qui fut un des grands centres de la Renaissance en Italie, avec sa culture propre, ses propositions esthétiques originales. Dans Ferrare la provinciale, l’article de Longhi révélait une des capitales de l’art italien qui avait vu passer les plus grands (Pisanello, Piero della Francesca, Mantegna) et donné naissance à des carrières artistiques originales (Cosmè Tura). Revenant près d’un siècle plus tard sur deux des plus grands artistes de cette Renaissance, Ercole de’ Roberti et Lorenzo Costa, l’exposition qui a lieu en ce moment à Ferrare a réuni pour l’occasion l’oeuvre dispersée aux quatre coins du monde de ces acteurs majeurs de la peinture des 15e-16e siècles. La connaissance accrue du contexte politique (l’essor et la domination d’une grande famille, celle des Este, parvenue à se créer un Etat entre les puissances se partageant alors l’Italie sur la route de communication du nord de l’Italie avec Rome) et celle des influences subies par les différents artistes actifs à Ferrare donnent à la présentation très pédagogique de l’exposition les éléments de contexte qui manquaient peut-être un peu à l’article fondateur de Roberto Longhi.

Le catalogue, superbement illustré, suit le fil de l’exposition, juxtaposant comme elle deux monographies, celle d’Ercole de’ Roberti et celle de Lorenzo Costa. Actif au Salon des mois du Palais Schifanoia (superbes fresques dont je reparlerai d’ici quelques jours), Ercole de Roberti, formé sans aucun doute dans les ateliers de Gherardo da Vicenza et de Cosmè Tura, est remarqué par Francesco Cossa et suit son nouveau maître à Bologne où il est engagé pour quelques commandes importantes (le polyptique Griffoni, dont la prédelle, rapportée du Vatican, illumine l’exposition de Ferrare; ou les fresques aujourd’hui perdues de la chapelle Garganelli, dont un fragment conservé à la Pinacoteca Nazionale de Bologne suffit à démontrer la richesse expressive – marquant d’une influence durable l’art bolognais, notamment à travers le sculpteur Niccolò dell’Arca). En 1479, Ercole retourne à Ferrare et y ouvre un atelier. Le retable de sainte Maria in Porto, aujourd’hui conservé à la Brera à Milan, ou la Raccolta della manna de la National Gallery de Londres sont deux des chefs-d’oeuvre de cette dernière période.

Ercole de’ Roberti, Prédelle du polyptique Griffoni

La longévité de Lorenzo Costa, qui succède à Ercole à Ferrare, enjambant la fin du 15e et le début du 16e siècles, entre Première Renaissance et Haute Renaissance, accompagne, d’abord sous l’influence d’Ercole, puis s’émancipant de plus en plus de sa manière, le passage d’une Renaissance ferraraise expressive vers quelque chose de plus diffus, de plus doux, contemporain de l’art de Francesco Francia à Bologne ou annonçant les developpements postérieurs de Dosso Dossi ou du Garofalo, le « Raphael de Ferrare ». La superbe Adoration des mages (Milan, Pinacoteca di Brera) est un des chef-d’oeuvre, parmi d’autres, présenté par l’exposition.

Lorenzo Costa, Adoration des Mages

Ferrare fut un rêve, un rêve de la Renaissance, mais un rêve éphémère. En 1597, prétextant de l’extinction de la ligne directe de la famille d’Este, le pape Clement VIII annexe Ferrare. La branche cadette, qui règne à présent sur la maison d’Este, est contrainte de se replier sur Modène. Située aux limites de l’État pontifical, Ferrare s’enfonce pour plusieurs siècles dans un mode de vie provincial, d’où elle n’est sans doute jamais sortie, mais qui finit par inspirer deux des grands artistes du 20e siècle, deux enfants de Ferrare: le romancier Georgio Bassani (dont je reparlerai d’ici peu) et le cinéaste Michelangelo Antonioni, cependant qu’à Bologne toute proche Longhi dispensera un enseignement (c’est le sujet en ce moment d’une autre exposition à Ferrare que malheureusement je n’ai pas eu le temps de voir) qui influencera justement l’esthétique de Bassani, Pasolini ou Testori.

Rinascimento a Ferrara. Ercole de’ Roberti e Lorenzo Costa – Ferrara, Palazzo dei Diamanti – 18 février-19 juin 2023

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