Ed McBAIN: Faites-moi confiance (87ème district, 4)
Le cadavre d’une jeune fille est repêché, près du pont Hamilton. Triste spectacle, qui, une fois de plus, va mettre les agents du 87ème district, la rage au ventre, sur la piste d’une infâme manipulation. Très vite, la preuve est faite que la jeune fille ne s’est pas noyée, mais qu’elle était morte avant. Comme seul indice, un tatouage, entre le pouce et l’index, figurant dans un coeur les trois lettres MAC, semble être l’indication d’un prénom. Un prénom, vraiment? Qui est le criminel? Et quel intérêt avait-il de tuer? « Tout le monde a le droit de gagner sa vie. En Amérique, c’est comme ça. On prend une suée, et on se gagne un dollar. […] C’est comme ça que ça se passe en Amérique et tout le monde a le droit de gagner sa vie. La loi trouve la poursuite du dollar tout à fait légitime. Mais elle trouve parfois à redire aux méthodes que l’on emploie.« …
Avec ce quatrième volume de la série des 87ème district, Ed McBain parvient sans conteste à la pleine maîtrise d’un genre élaboré de romans en romans: des récits policiers de nouvelle manière, dont le héros réel n’est plus une figure unique, mais toute une équipe de policiers, réunis dans le commissariat du 87ème district d’Isola, double fictionnel de New-York. Un roman très réussi donc. Bien sûr, comme dans les précédents, on pourra trouver l’intrigue (ou plutôt les intrigues), un peu classique: à côté de l’enquête sur la mystérieuse noyée, qui se révèle la victime d’un tueur en série qui a fait des lectrices du courrier du coeur ses proies potentielles, la vie du commissariat continue, occupée par le souci de mettre la main sur un duo d’escrocs, aux méthodes toujours changeantes. Mais le talent d’Ed McBain est ailleurs, en particulier dans cette formidable créativité narrative, qui en fait l’un des inventeurs de la narration populaire moderne, telle qu’on la trouve aujourd’hui encore dans les séries télévisées. Faites-moi confiance, autour de ce mot d’escroc, s’organisent thématiquement les différentes intrigues: l’exploitation des sentiments, qui peut aboutir jusqu’au crime le plus crapuleux, le plus sordide; mais qui est aussi la clé de la petite escroquerie quotidienne, ainsi que le mot d’ordre de tous les bonimenteurs, qui prospèrent dans une société organisée autour du gain d’argent. Mais c’est aussi la clé du don de soi, de l’amour véritable: des petits mensonges que sont obligés de faire Claire et l’inspecteur Kling pour tâcher de sauver leurs vacances ou de l’intervention, décisive pour l’enquête, de Teddy, la femme de l’inspecteur Carella, qui donne son final trépidant au roman.