Ed McBain: Le Sonneur (87ème District, 2)
En argot new-yorkais, un sonneur (mugger) est un voleur à la tire, qui frappe ses victimes (il les sonne) pour mieux les voler. A peine remis des événements qui les ont confrontés à la mort de plusieurs d’entre eux, les inspecteurs du commissariat du 87ème district cherchent à coincer un délinquant excentrique, le Sonneur, qui agresse les femmes, la nuit, leur vole leur sac à main, puis les frappe en les saluant d’un grandiloquent et chevaleresque « Clifford vous salue bien ». Qui est donc Clifford ? Et surtout est-il le même que l’assassin d’une jeune fille dont le cadavre est retrouvé au pied d’un pont, loin de chez elle, et dont l’autopsie révèle qu’elle était enceinte de plusieurs semaines ? La clé de l’enquête est sans doute entre les mains de Kling, un jeune agent de police, qui s’était fait tirer dessus à la fin de la précédente enquête. Mais Kling est en convalescence. Les recherches que la femme d’un ancien ami d’enfance lui demande de conduire, à côté de l’enquête officielle, ne va pas tarder à le placer sur la route des inspecteurs arrogants de la Crim’…
Des flics corrompus, les mauvaises relations entre les polices, un groupe de jeunes gens biens mis qui se réunissent pour écouter de la musique sur fond de sexe et d’alcool, un délinquant excentrique dont on se demande s’il ne serait pas aussi un criminel, la vie intime des policiers – Carella absent de la brigade, parti en voyage de noces, Kling qui avance ses pions auprès d’une étudiante séduisante amatrice de cognac et de bons whiskies – et puis surtout les couleurs de l’automne qui tombent des arbres multicolores, les feuilles jaunes, rouges, qu’on ramasse à la pelle, et qui font l’amour des policiers pour la ville, leur ville, cette ville gangrenée par le crime, mais si belle avec ses couleurs chatoyantes, tel est le cocktail détonant de ce deuxième volume des 87ème District. Il faut le dire, c’est avec ce roman que je suis devenu accroc à la série et surtout au portrait de cette humanité si caractéristique, au-delà de la peinture du crime et de la violence, de l’univers policier d’Ed McBain. Au centre de l’histoire, la vie du commissariat, des policiers, les procédures de l’enquête – rapports d’autopsie, fiches d’empreintes digitales, dessins de la scène du crime. Ce n’est plus très nouveau aujourd’hui. Mais Ed McBain est l’un des inventeurs du genre des police procedural novels. Il est aussi l’un de ceux qui, dès les années 1950, ont mis en place les principes d’une narration éclatée entre plusieurs développements d’une même intrigue, ou encore entre plusieurs intrigues plus ou moins reliées par un fil thématique, démarche qui fait le fond narratif aujourd’hui de nombreuses séries télévisées en tous genres. Vraiment, si j’étais scénariste de telles séries, je crois que je porterais avec moi où que j’aille un petit autel portatif destiné au culte de ce grand maître. Mais comme je ne suis qu’un simple lecteur, je ne peux que vous inviter une fois de plus à plonger dans l’œuvre de ce classique de la fiction policière, dont, pour votre plus grand plaisir vous ne sortirez pas d’aussitôt.